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ans la vie, il y a beaucoup de
formes d’amour. L’amour charnel, l’amour passionné, l’amour vrai. Pour ma part,
c’est le dernier qui m’a poussé à bâcler mon entrainement cet après-midi. Malgré
mon dix-huitième anniversaire, j’avais des devoirs comme tout le monde. Mais
cette fois-ci ils devraient attendre.
Je suis arrivé avec près d’un
quart d’heure de retard, mais quand je suis monté j’étais seul. Où était-elle
passée ? Le lieu de rendez-vous était le même depuis notre enfance, une vieille
bâtisse abandonnée. De base, on était plus que deux à s’y installer, mais on a
vite fait de s’approprier le toit en cachant les clés. Oh, bien sur Sam et Zach
ont bien essayé de défoncer la porte mais vu sa structure, la pauvre
maisonnette n’aurait pas résisté à plus de trois coups tout au plus. Aussi se
sont-ils résignés à nous laisser notre petit « jardin secret » et à occuper le
salon et la cour.
Le toit était plane et, bien
qu’on y aie ramené un ou deux meubles de fortune, sa surface entièrement
visible. J’essayais de me convaincre qu’elle était sans doute en retard, car
elle ne ratait jamais un seul de nos rendez-vous, mais je ne la connaissait que
trop bien.
Sur mes gardes, je fit mine de
m’asseoir dans un vieux fauteuil déchiré et de me résigner à l’attendre
simplement. J’attendais en scrutant l’horizon à la recherche de la fugitive
mais c’est elle qui vint à moi. Bondissant d’un tas de draps hauts en couleurs,
elle sauta à mon coup et tenta de me renverser. Malheureusement pour elle,
j’avais vu venir son coup, elle n’aimait décidément pas changer ses habitudes.
Raidissant mes jambes, je résista à son croche-pied improvisé et passa derrière
elle en lui immobilisant les bras et lui volant un baiser par la même occasion.
J’avais gagné.
-Vingt-huit à dix-neuf, ais-je
déclaré en déballant ma glace à l’eau.
-Tant que ça ? Seigneur, j’ai du
retard à rattraper…
-Tu sais, si tu changeait un peu
de répertoire de temps en temps, peut-être que tu pourrais avoir une chance, la
narguais-je avec un petit sourire en coin. Éventuellement.
D’un coup de poing amical, elle
répliqua :
-Vas-y, fais le fier. C’est ton
anniversaire après tout. Aujourd’hui t’es un homme.
-Oui, fini les jeux d’enfant et
bonjour les responsabilités.
-Tu pense que ton père vas te
prendre sous son aile ?
-Peut-être bien … Si il ne choisi
pas Zach. N’oublie pas que c’est aussi son anniversaire.
-Tu pense vraiment qu’il
choisirait Zach ?
-Pourquoi pas ? Tu sais il est…
-Aaro ! me coupa-t-elle en me
foudroyant du regard.
Un long silence tendu se fit
entre nous. Nous nous regardions dans les yeux passionnément en attendant que
l’autre craque en premier. La voyant croiser les bras et me tourner le dos, je
pris la parole :
-Ecoute Elly, je sais que Zach
est un peu immature quelque fois mais …
-Quelques fois ? Il n’a
pratiquement aucun sens moral ! Il ferait n’importe quoi pour attirer
l’attention qu’il s’agisse de choses légales ou pas ! Ton frère est une vraie
bête de foire oui !
-Je sais qu’il n’a pas tout le
temps la notion de bien et de mal, mais c’est mon frère Elly. Je me dois de le
soutenir.
-Et que feras-tu lorsqu'il
essaieras de te prendre la place que t’offrira ton père hein ? Que feras t…
Sans lui laisser le temps de
continuer son monologue, je lui sauta dessus et l’embrassa tendrement. Je me
redressa et la regarda dans les yeux. Je mis une main contre sa joue :
-Je ferai comme avec toi : je le
ferai taire.
-Pas de la même façon j’espère,
me railla-t-elle.
De nouveau, un long silence
s’introduit entre nous, mais cette fois dénué de toute tension. Nous nous
regardions juste dans les yeux, avec tendresse.
-Tu sais, j’ai un petit quelque
chose pour toi, déclara Elly. Après tout c’est ton anniversaire.
-Elly, je t’ai déjà dis que je
détestait ça…
-Tais-toi, fit-elle en me collant
un doigt contre les lèvres. Tais-toi et regarde.
Elle me tendait un petit paquet,
pas plus gros que mon poing. L’emballage était bien soigné. De toute évidence,
elle avait pris du temps à le préparer. Je l’ai alors déballé lentement et ai
laissé le temps à mes yeux de s’émerveiller devant ce qu’Elly venait de
m’offrir.
-Un transmographe ? Elly, combien
t’as dépensé pour ça ?!
-Peu importe, de toute manière
c’est fait. Maintenant, où que tu te cache on pourra se voir.
-Elly tu …
Je n’ai pas eu le temps de
terminer ma phrase qu’un cri retentit au loin. Il n’avait rien de ce à quoi
l’on pourrait s’attendre. Il n’y avait aucun signe de frayeur dans cette voix,
plutôt d'amusement. Comme si une personne, au loin, exposait sa joie au monde
entier.
Remarquant le regard intrigué que
me lançait Elly, je lui ai demandé :
-T'as entendu ?
-Entendu quoi ?
-Ce cri, juste là. Comme ci
quelqu’un avait un fou rire.
-Je n'ai rien entendu, tu as du
rêver. Ça arrive avec la fatigue.
-Non, je t'assure. Ça semblait
venir des sous-bois.
-Aaro, il n’y a rien eu. Il fait
calme et c’est presque le soir, chacun rentre chez sois. T’as juste trop
d’imagination.
-Je te dis que quelqu’un vient de
crier !
-Et moi je te dis que c'est dans
ta tête.
-Non, je suis sûr de ce que j'ai
entendu...
-Fais comme tu veux, dit-elle en
regardant à sa montre, moi je dois rentrer. A demain le parano.
Et elle rentra chez elle, amusée
par ce qu’il venait de se passer. »
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